Portrait: Abdi Nour Allaleh :
Portrait:
Abdi Nour Allaleh
Une icône de la musique
djiboutienne
C’est un artiste au timbre
majestueux que nous vous présentons aujourd’hui. Il est depuis les années 1970,
l’un des interprètes les plus populaires de la chanson djiboutienne. Il
joue le oud, les percussions, la batterie. Il est aussi acteur, compositeur de
mélodie et de musique. Rien n’a de secret pour lui. Il a à son actif, le plus
large répertoire des chansons du pays. Acteur principal de plusieurs pièces de
théâtre musical, il excelle dans tout ce qu’il fait et n’en finit pas de nous
étonner. Il a fait rêver plus d’une génération. L’homme c’est Abdi Nour
Allaleh. Il est une vraie bête de scène. Détenteur de la Palme de la Culture
depuis le 31 décembre 2016, il est l’artiste le plus sollicité non seulement
par les communautés djiboutiennes mais aussi par celles des pays voisins et de
la diaspora. Pourtant, il reste modeste et souriant dans la vie courante.
Abdi Nour
Allaleh est né en 1953 dans l’un des vieux quartiers de la capitale, le Q.7 et
a grandi à “Jaga Buldhuq” (appellation d’un secteur du Q.7). Il a d’abord usé
ses fonds de culottes à une école coranique sise à Ambouli près de la caserne
de la gendarmerie (actuelle Base Aérienne) où habitait sa grande sœur. A
partir du 19 mars 1967, cette dernière déménage au Q.5. Le petit Abdi Nour a
alors intégré l’école coranique “Ichad” et a côtoyé sur les bancs
de celle-ci l’arbitre international Mahdi Kahiye Warsama alias “Agon”.
Adolescent, il
abandonne subitement la salle de classe deux ans plus tard pour apprendre la
peinture auto à un garage sis à l’avenue 26 et devenir par la suite vendeur de
kérosène à un kiosque qui faisait face au rond point d’Einguella.
…La musique, une vocation. Sa vie artistique commence très tôt. Une flamme qui s’est allumée dès
ses années tendres. La musique, il la fredonnait, en écoutant Abdi Tahlil
Warsama, Said Ismaël Bouh alias Said Hamarqodh, Ahmed Mogueh, Mohamed
Warsama alias “Qasali” et est devenu chanteur dans des groupes de copains. Ses
amis d’alors ont remarqué la voix d’Abdi Nour et lui ont conseillé de
rejoindre les rangs de l’association sportive et artistique “Bonne espérance”.
Confiant et sûr
de lui, Abdi a franchi le 6 décembre 1969 les portes du siège du groupe “Bonne
espérance” sis au Quartier 4 avec un seul objectif : confirmer son
talent. «Pour être admis, j’ai été contraint de passer des tests sur ma
voix! C’est ainsi qu’une après-midi, je chante une chanson de Abdi Tahlil
Warsama “Onkod Roobku Ma’Daayoo” devant les compositeurs, Hassan Elmi, Ibrahim
Cheick Souleiman “Ibrahim Gadhleh”, et le grand chanteur-compositeur somalien
Abdi Tahlil Warsama. Ce dernier très étonné n’a pas manqué de me crier “Mais tu
es un artiste-né!”», se souvient-il.
Cette remarque
lui a valu d’être admis au sein de l’association sportive et artistique “Bonne
espérance”. C’est le début d’une carrière artistique exceptionnelle.
…Répertoire musical. Lors de
son premier concert, Abdi Nour a interprèté avec Hodan Hadji Mahamoud alias “Qormo”
les chansons “Cilmi Raadcadaadii”, “Guhaad”, “Miyaan Nololba Doonaa”, “Godob”
de la pièce de théâtre musicale “Ma’Dhabbaa Jacayl Waa Loo dhintaa” d’Ibrahim
Gadhleh.
Il s’est
produit sur scène avec les artistes comme Ismaël Aynan, Qormo, la diva somalienne
de la troupe Waberi, Habon Abdillahi….etc.
«J’aimais
beaucoup apprendre le luth et avec ma part de la recette de cette pièce, j’ai
acheté un neuf!» nous a-t-il confié. Quelques mois seulement lui ont suffi
pour maîtriser le luth. Il s’est lancé en même temps dans la
composition des mélodies.
En février
1971, Abdi Nour est sollicité par l’association artistique et sportive “Red
Star” du Q.4 présidé par le frère de l’actuel président de la République, le
défunt Idriss Omar Guelleh pour jouer sa 2ième pièce intitulée “Waalidda Ragga
iyo Weerarka Hablaha” de l’homme de la culture somalie Moussa Ali Farour.
Et depuis la
création de la troupe Gacan Macan en 1972, il a enchaîné les interprétations de
différents rôles dans plusieurs pièces de théâtre aux cotés d’Abdi Ibrahim
Guedi (Abdi Bowbow), Mohamed Ali Guelleh (Fourchette), Abdi Robleh Qarchileh,
Said Hamarqodh, Nouh Ismaël, Qormo, Neima Djama, Zahra Osman (Zahra Ilka Cas)
….etc.
Grand
indépendantiste, il faisait partie d’une délégation de la LPAI qui se rend à
Mogadiscio en 1976 et a effectué une tournée de six mois dans toutes les
provinces somaliennes en compagnie de Moussa Sh. Badha, Abdoul-Aziz, Kamal,
Ahmed Hassan Ladé, Neima Djama, Bilila, Fatouma Ahmed…etc. Durant cette
période, il a joué le rôle principal de la pièce musicale intitulée “Halgankii
Ummadda iyo Hooggii Isticmaarka”, du grand parolier aujourd’hui disparu, le
regretté Ibrahim Gadhlé, devant Siad Barré, Hassan Gouled et Ahmed Dini à
Mogadiscio. Une pièce qui s’inspirait du massacre perpétré par les colons lors
la venue du Général Charles de Gaulle à Djibouti en octobre 1966.
Abdi Nour ne se
produisait pas seulement avec les groupes somalis, durant les festivités de
l’indépendance en 1977, il a interprété les titres comme “Yinaay Yi Baaxooy”,
“Bolu”, “Wanooh Le’Bandiratoow” aux cotés de Moussa Check Badha, Abdoul-Aziz,
Kamal hadji Ali, Ahmed Hassan Ladé et Mohamed Ali Talha…etc.
Il bénéficie
d’un capital de sympathie très encourageant auprès de ses aînés, notamment les
compositeurs. Parmi lesquels figurent Aden Elmi God (Qoryareh), Ibrahim
Gadhleh, Hassan Elmi, Jigjigawi, Abdi Tahlil, Yonis Saleh, Said Ismaël Bouh,
Souleiman Daoud, Abdourahman Ali, Qarchileh et le batteur Omar Ali.
Après
l’indépendance, Abdi Nour Allaleh a intégré la troupe de la RTD et a enregistré
plusieurs chansons, à savoir “Sacaaday”, “Tolow May Ogtahay”, “Midiya Dhiigleh”
…etc.
Jusqu’à ce jour
de 1981 où il a crée la troupe “Sharaf Band”, financièrement subventionnée par
la défunte commerçante djiboutienne Fatouma Robleh Gouled alias Mako Robleh.
«En février
1981, je me suis rendu à Paris en France pour acheter un matériel musical pour
la troupe et c’est par téléphone que j’ai mémorisé mes textes de la première
pièce de la troupe “Sharaf Band”», se souvient Abdi Nour. Avec cette troupe, il
avait le rôle principal dans plusieurs pièces de théâtre musicales comme
“Qosol iyo Qoomamo” d’Abdi Ali Wayd, “Sir Jacayl” et “Gaf Jacayl”de Jigjigawi.
Il a aussi interprété les chansons comme “Waberi Iftiimiyo”,”Salmadhiga”……etc.
Auréolé de son
succès, il s’est produit sur les plus grandes scènes de la capitale qui étaient
à l’époque le cinéma “Le Paris” et le théâtre des Salines.
Par la suite,
sollicité par la troupe 4 Mars, il a endossé de 1982 à 1987 les habits des
principaux personnages des pièces de théâtre “Intaanad Falin Ka’fiirso”
de Daher Awaleh et”Amaano” de Hassan Elmi. Puis, il a participé avec eux aux
commémorations des festivités somaliennes du 21 octobre 1984 sur l’invitation
du ministère de la culture de ce pays.
En juin 1987,
lors du concours culturel lancé par la mairie à l’occasion du centenaire de la
ville de Djibouti, il a interprété une chanson intitulée “Hoodaale Calanyohow”
de Jigjigawi et le jury n’a eu aucune peine pour lui discerner le 1er prix.
Abdi Nour nous
raconte que ses dons d’artiste lui viennent de sa mère, Hawa Indi qui était
jadis non seulement une danseuse folklorique, mais composait aussi les «Bourambour»
(Sorte de poésie pastorale propre à la gente féminine chez le peuple somali).
Il voue une admiration pour le grand artiste Saïd Ismaël Bouh qu’il considère
comme son modèle.
…Une polyvalence artistique. Abdi Nour s’est imposé au fil des années comme un artiste reconnu,
tissant étape par étape un lien unique avec son public à qui il est resté fidèle.
Il est
l’interprète de belles ballades mélodieuses, composées par Abdourahman Ali
Hersi et Abdi Robleh (Qarchileh) avec il collabore depuis 1972.
Entre 1980 et
1983, il a côtoyé les stars Manu Dibango, Mariam Makéba, Lami Konté sur la
scène du théâtre des salines
Il a mis à
profit son séjour en Angleterre pour produire des shows musicaux dans plusieurs
villes européennes, américaines, des Emirats Arabe Unis, d’Australie. Il a en
outre participé aux festivals internationaux qui ont eu lieu au Moyen Orient et
en Europe dont celui de Cardiff en Angleterre aux cotés de Youssouf N’Dour et
de Mariam Moursal.
Et ce n’est pas
tout. Abdi Nour Allaleh a été acteur principal en 1982 et en 1983 de deux longs
métrages d’Ibrahim Gadhleh intitulés “Nouveau Michel” et “Khamiistii Dheerayd”.
excelle aussi dans le domaine des téléfilms. Ce dernier téléfilm, tourné par
des réalisateurs internationaux d’origine française en visite à Djibouti, a
connu un réel succès.
Dernièrement,
lors de la journée nationale de l’artiste le 31 décembre 2016, le président de
la République lui a décerné la Palme de la Culture. Et pour cette occasion, le
vendredi 6 janvier dernier, le président de l’association RADACLA M.
Oubad Nasser Ahmed a organisé en son honneur une cérémonie au siège des amis de
l’artiste, sis à Eingueila. Actuellement, Abdi Nour est entrain d’écrire un
ouvrage en somali et en français sur son parcours artistique qui se confond
avec ceux des troupes Gacan Macan et Sharaf Band.
Les chansons de l'artiste en vidéo
Rachid Bayleh
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